La loi LCAP, un renouveau de la protection patrimoniale

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La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (loi LCAP) a réformé un ensemble de dispositifs en matière de protection patrimoniale (patrimoine mondial, archives, domaines nationaux, patrimoine archéologique, monuments historiques…). L’essentiel de ces dispositions est codifié aux articles L.611-1 et suivants, et plus particulièrement L.631-1 et suivants du Code du patrimoine.

Source : Immobilier.lefigaro.fr (village de Roque-Gageac)

La loi a notamment voulu clarifier la protection en faveur du patrimoine urbain et paysager. Pour se faire, elle a créé les Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR). Ces SPR ont pour objectif de protéger et mettre en valeur le patrimoine architectural, urbain et paysager de nos territoires. Ils sont définis comme étant « les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public ». Les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur peuvent être classés au même titre.

Les « Sites patrimoniaux remarquables » (SPR) remplacent les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et les AVAP

Ils sont classés (ou agrandis) par l’Etat après enquête publique et consultation des collectivités.

  • Sont automatiquement classés « Site patrimonial remarquable » par la loi :
  1. les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP (mais avec rétablissement des abords des monuments historiques au-delà du périmètre du SPR) ;
  2. les AVAP approuvées ;
  3. les AVAP en cours d’études lorsqu’elles seront approuvées.

ZPPAUP et AVAP peuvent être modifiées mais pas révisées.

  • Les AVAP et PSMV en cours d’études se poursuivent dans les conditions juridiques antérieures à la loi.
  • Les enjeux des SPR doivent être retranscrits dans un plan de gestion du territoire qui peut prendre deux formes :
  1. Soit un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) qui constitue un document d’urbanisme et tient lieu de PLU. L’Etat et la collectivité compétente en matière de document d’urbanisme élaborent conjointement le PSMV et l’Etat l’approuve. En intercommunalité la commune concernée est consultée pour avis. L’Etat peut déléguer sa compétence à la collectivité compétente en matière de document d’urbanisme ;
  2. Soit un Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (PVAP) qui correspond à une servitude d’utilité publique. Le PVAP est élaboré par la collectivité compétente en matière de document d’urbanisme avec l’assistance technique et financière de l’Etat qui donne son accord avant approbation. En intercommunalité la commune concernée donne son accord sur le PVAP, et peut se voir déléguer la compétence par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) avec transfert des moyens techniques et financiers.
  • Les SPR sont dotés d’un outil de médiation et de participation citoyenne.
  • La Loi a également créée trois commissions patrimoniales à différentes échelles :
  1. une Commission nationale de l’architecture et du patrimoine (issue de la fusion des Commissions des monuments historiques et des secteurs sauvegardés). Elle est présidée par un sénateur ou un député, et y siègent associations et fondations compétentes en matière du patrimoine. Elle suit les PSMV mais aussi l’évolution des SPR dans les territoires.
  2. une Commission régionale de l’architecture et du patrimoine présidée par un élu membre et y siègent associations et fondations compétentes en matière du patrimoine. Elle suit les PVAP mais aussi les PLU « patrimoniaux » mis en place en dehors des SPR.
  3. une Commission locale de l’architecture et du patrimoine présidée par le maire ou le président de l’EPCI, comprend de droit « le ou les maires concernés, le préfet, le directeur régional des affaires culturelles et l’architecte des bâtiments de France » ; plus « un maximum de 15 membres » dont un tiers d’élus du conseil municipal ou l’organe délibérant de l’EPCI, un tiers de représentants d’associations et un tiers de personnalités qualifiées.

Elle suit les PSMV et les PVAP. En cas de pluralité de SPR dans une intercommunalité, il peut y avoir une ou plusieurs commissions. La commission est complétée par trois collèges composés à parité d’élus de l’EPCI (ou de la commune si elle a la compétence PLU), de représentants d’associations, de personnes qualifiées.

Procédure d’élaboration d’un SPR :

  1. Le ministre de la Culture propose le classement d’un site en SPR ;
  2. Le maire de la commune concernée ou le président de l’EPCI a trois mois pour donner son accord, faute de quoi l’accord est supposé être tacitement donné ;
  3. Le préfet lance une enquête publique ; s’il y a modification du projet initial, ce dernier est soumis à l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture ;
  4. La décision est notifiée à la commune ou l’EPCI « compétent en matière de plan local d’urbanisme, de document d’urbanisme en tenant lieu et de carte communale ». Lorsque le territoire est couvert par un de ces documents d’urbanisme, la commune ou l’EPCI « annexe le tracé du site patrimonial à ce plan » ;
  5. Dès lors qu’un site est classé en SPR, « une commission locale du site patrimonial remarquable » est instituée ;
  6. A défaut d’un PSMV, mise en œuvre de la procédure d’élaboration du PVAP qui peut être établi pour chaque SPR. Ce plan est élaboré par la commune ou l’EPCI concerné ou par chaque commune ou EPCI « lorsque le SPR concerne plusieurs communes ou EPCI ». Il doit être soumis au préfet de région pour avis (le silence gardé plus de trois mois vaut avis favorable). Le plan de valorisation doit ensuite faire l’objet d’une délibération.

Le second grand apport de la loi concerne les abords des monuments historiques

« Les immeubles ou ensembles d’immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords » (article L.621-30 du Code du patrimoine).
La protection au titre des abords a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.

La protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité, ainsi qu’à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d’un immeuble partiellement protégé. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.
En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.

En revanche, la protection au titre des abords n’est pas applicable aux immeubles ou parties d’immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d’un SPR classéLes servitudes d’utilité publique instituées en application de l’article L. 341-1 du code de l’environnement (sites naturels classés et sites inscrits) ne sont pas non plus applicables aux immeubles protégés au titre des abords.

Le périmètre de 500 mètres autour du monument historique est donc appelé à disparaître au profit des périmètres délimités des abords établis par l’Etat après enquête publique. Les nouveaux classements ou inscriptions seront systématiquement dotés de ces nouveaux périmètres au sein desquels la co-visibilté ne s’applique plus. Les périmètres modifiés ou adaptés sont devenus automatiquement des périmètres délimités des abords. Ces périmètres en cours d’élaboration se poursuivent moyennant de nouvelles concertations.

Les autres apports de la loi du 07 juillet 2016


Les domaines nationaux

Il s’agit des ensembles immobiliers présentant un lien exceptionnel avec l’histoire de la Nation et dont l’Etat est, au moins pour partie, propriétaire. Ces biens ont vocation à être conservés et restaurés par l’Etat dans le respect de leur caractère historique, artistique, paysager et écologique.
La liste des domaines nationaux et leur périmètre sont déterminés par décret en Conseil d’Etat. Les domaines nationaux peuvent comprendre des biens immobiliers appartenant à l’Etat, à des collectivités territoriales, à des établissements publics ou à des personnes privées. Voici la liste des six domaines nationaux français : Domaine de Chambord (Loir-et-Cher) ; Domaine du Louvre et des Tuileries (Paris) ; Domaine de Pau (Pyrénées-Atlantiques) ; Château d’Angers (Maine-et-Loire) ; Palais de l’Elysée (Paris) ; Palais du Rhin (Bas-Rhin).

Les parties d’un domaine national appartenant à l’Etat ou à l’un de ses établissements publics sont de plein droit intégralement classées au titre des monuments historiques. Sauf exception, elles sont inconstructibles, inaliénables et imprescriptibles. Elles peuvent toutefois être cédées à une autre personne publique.

A l’exception de celles qui sont déjà classées au titre des monuments historiques, les parties d’un domaine national qui appartiennent à une personne publique autre que l’Etat ou l’un de ses établissements publics ou à une personne privée sont de plein droit intégralement inscrites au titre des monuments historiques.
Mais surtout, l’Etat est informé avant toute cession de l’une des parties d’un domaine national appartenant à une personne autre que lui ou l’un de ses établissements publics. L’Etat peut exercer un droit de préemption dans le cadre de cette cession.

En matière de biens inscrits au patrimoine mondial

La loi rappelle que l’Etat et ses établissements publics, ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements assurent la conservation et la mise en valeur du bien reconnu en tant que bien du patrimoine mondial en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, le 16 novembre 1972.
Pour assurer la protection du bien, une zone, dite ” zone tampon “, incluant son environnement immédiat, les perspectives visuelles importantes et d’autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection est délimitée autour du bien inscrit au patrimoine mondial.
Un plan de gestion est également élaboré afin d’assurer la préservation de la valeur universelle exceptionnelle du bien.

Lorsque l’autorité compétente en matière de ScoT ou de PLU engage l’élaboration ou la révision d’un SCoT ou d’un PLU, le préfet de département porte à sa connaissance les dispositions du plan de gestion du bien afin d’assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du bien et la préservation de sa valeur exceptionnelle.

La création d’un label « Architecture contemporaine remarquable » 

Peuvent faire l’objet du label les immeubles, ensembles architecturaux, ouvrages d’art et aménagements qui font partis de réalisations ayant moins de cent ans d’âge, et dont la conception présente un intérêt architectural ou technique suffisant.
Afin de pouvoir bénéficier de ce label, le bien en question doit répondre à 6 critères (article R.650-1 du Code du patrimoine). Le label s’applique également aux immeubles, ensembles architecturaux, ouvrages d’art et aménagements faisant antérieurement l’objet du label « Patrimoine du XXe siècle » qui ne sont pas classés ou inscrits au titre des monuments historiques et qui ont moins de cent ans à la date d’entrée en vigueur du décret.

Le label disparait automatiquement de plein droit si l’immeuble est classé ou inscrit au titre des MH ou plus de cent ans après sa construction mais il peut être inclus dans le périmètre des abords des Monuments historiques ou dans un site patrimonial remarquable. Le préfet de région peut également décider du retrait du label lorsque le bien est dégradé au point de perdre l’intérêt ayant justifié l’attribution du label.

Conclusion 

Loin d’alléger le millefeuille normatif, ces dispositions contribuent à l’alourdir même si l’une des volontés était d’associer plus étroitement les communes concernées par un site patrimonial remarquable à l’élaboration des documents de protection, tout en préservant le rôle éminent des autorités de l’État. D’autant que certains documents réglementaires antérieurs (ZPPAUP, AVAP et Secteurs sauvegardés) demeureront encore pour quelques temps au titre des dispositions transitoires.

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